Les 7 derniers vitraux de l’église de Saint-Rigomer-des-Bois

Sept vitraux qui complètent les ouvertures de l'église de Saint-Rigomer après la pose en 2010 et 2012 de deux premiers ouvrages, ont été inaugurés le 10 novembre en présence de Monique Nicolas-Liberge, conseillère départementale, Dominique Artois, maire adjoint à la culture d'Alençon et conseiller communautaire et André Trottet, maire de Villeneuve-en-Perseigne. Conçus par Jean-François Hémery comme une suite aux deux premiers basés sur des collages contenant des écritures de l'artiste, ils reproduisent des détails agrandis d’œuvres semblables. La maîtresse-verrière Cathy van Hollebeke a repris la technique qu'elle avait imaginée il y a dix ans pour les deux premiers, en remarquable adéquation avec la démarche de Gaston Floquet : par superposition d'infographie-sérigraphie et morceaux de verre taillés travaillés par gravure et enlèvement puis collés par-dessus en insérant parfois du plomb.





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Quelques mots, quelques idées, de vagues dessins, l’audition d’une conférence en 1998, une prise de cotes…Gaston avait l’envie de créer un vitrail pour l’église de Saint -Rigomer-des-Bois. C’est l’association de ses amis qui lui fit réaliser après sa mort. Un d’abord, rouge, vert et noir sur fond blanc posé en 2010, dans le transept nord ; un second, bleu, vert et noir, en 2012, dans le transept sud. Deux vitraux créés d’après ce que Gaston appelait des « épluchures », des extraits de notes prises au jour le jour, biffées, raturées, surchargées, déchirées pour servir de supports à des collages, ou être elles -mêmes recomposées, reconsidérées, graphes libérés de toute signification bien que telle ou telle fût encore parfois disponible au curieux. Ces deux œuvres datant de 1998. Mais dès ces deux premières créations, s’est fait jour le désir de mettre en verre et lumière l’édifice entier. Voilà qui est fait aujourd’hui, avec ces sept nouvelles verrières, confiées au même artisan, Cathy Van Hollebeke, dont la compréhension, l’enthousiasme et l’application tenace (il lui a fallu concevoir, pour respecter au mieux ce que les œuvres originales étaient, une manière nouvelle pour elle) ont su produire un ensemble convaincant. Cinq de ces nouvelles réalisations à partir d’épluchures de 1997 et 98, pour rester fidèle au choix fait pour les premières. Deux à partir de dessins au stylobille de 1997, dont un sur un morceau du journal Ouest -France (qui peut nous rappeler qu’un temps, dans les années après-guerre, Gaston travailla à Paris comme correcteur).

La cohérence de l’ensemble se veut significative et symbolique, elle est aussi temporelle. Ainsi ce qui échappe au temps, l’œuvre s’inscrit-il dans le temps résolument : les années 1997 -1999, celles du regain d’intérêt de notre ami pour le vitrail, et de la réalisation de cette œuvre maîtresse qu’est son grand christ/écorché qui fut exposé dans notre église une première fois en 1999,une seconde le jour de son inhumation en 2001.

Ici, au rythme de la lumière, se joue la métamorphose du trivial (l’écriture du quotidien le plus prosaïque, ou le dessin distrait sur un support de hasard), par l’art et le grandissement, en vitrail, lieu plus qu’objet où s’abouchent le dedans et le dehors, le clos et l’ouvert, l’humble humain et ce qu’il peut modeler qui le dépasse, présence du lumineux divin pour le croyant, évidence du sacré pour qui ne sait, ne peut ou ne veut croire. Expérience du spirituel dans l’art, pour reprendre librement l’expression de Vassily Kandinsky ?

J-F. H.


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Les derniers mots de l’opuscule accompagnant laréalisation du deuxième vitrail étaient : « Essayer d’être le plus silencieux possible pour que cela puisse se révéler ». Comme il m’a été demandé de commenter cette belle suite d’aventure, quelques mots pourtant. Que l’intention dans la mise-en-œuvre soit aussi éclairée.

Je me suis d’abord efforcée de contourner les redites en explorant plus avant ma proposition première. Par-delà les verres collés sur la sérigraphie. Ainsi, ici, les œuvres de Gaston présentent des froissements, des déchirures, parfois des coupes franches, comment les traduire en verres ?

Mais encore, les changements d’échelle voulus par Jean-François Hémery demandent d’approfondir l’évocation des détails. Ainsi certains verres ont été gravés, creusés dans leur matière, d’autres ont été grugés en dentelles, verres blancs doublant un grand aplat noir pour évoquer l’épaisseur du papier qui se délite à la déchirure et laisse apparaître son cœur de blancheur. Le plomb scinde une des baies en deux dans sa hauteur afin de signifier une coupe franche. Pour autant l’unité me semblait à préserver aussi comme cap. Et il a été tenu m’est-il apparu, lors de la pose mais aussi lors des retours des regardeurs. Parmi eux, Jean-Marie, maire de Saint-Rigomer qui a su évoquer avec tant de talent la diversité de chaque baie comme des étapes en notre cheminement intérieur qui, lui, est unicité. Unité de l’œuvre protéiforme de Gaston. Unité de ses Amis, qui ont tenu à lui offrir une diversité de baies en un lieu unique. Gaston, lui avait évoqué la réalisation d’un unique vitrail. Eux ont déployé en autant d’ouvertures sur le monde l’amitié qu'ils lui portent. Unité de la lumière qui baigne le bâti du 12ème siècle et cette réalisation contemporaine, s’y plonger en essayant d’être le plus silencieux possible pour qu’elle puisse, je le souhaite, se révéler.

Cathy van Hollebeke, maîtresse-verrière



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Pour l'inauguration des sept vitraux, un brillant trio nous avait fait l'honneur de sa présence: le Triumviret, composé d'Oscar à la trompette, Adèle au violoncelle et leur père Jean-Philippe Viret (1) à la contrebasse. Celui-ci joue de son côté depuis vingt ans avec son trio, une famille, musicale cette fois, connue et reconnue parmi les grands dans le monde du jazz. Adèle et Oscar, musiciens professionnels eux aussi, jouaient là pour la première fois en public avec leur père.


(1) Jean-Philippe est le frère de Patrick, notre ami cinéaste qui a réalisé autour de Gaston Floquet un film intitulé Allez prier ailleurs !, qu'on peut se procurer en DVD auprès de l'association, et un film plus court sur le vernissage de l'exposition Gaston Floquet, matières sensibles à Verdun en juin 2019.