Quelques
mots, quelques idées, de vagues dessins, l’audition d’une conférence en
1998,
une prise de cotes…Gaston avait l’envie de créer un vitrail pour
l’église de
Saint -Rigomer-des-Bois. C’est l’association de ses amis qui lui fit
réaliser
après sa mort. Un d’abord, rouge, vert et noir sur fond blanc posé en
2010,
dans le transept nord ; un second, bleu, vert et noir, en 2012, dans le
transept sud. Deux vitraux créés d’après ce que Gaston appelait des «
épluchures », des extraits de notes prises au jour le jour, biffées,
raturées,
surchargées, déchirées pour servir de supports à des collages, ou être
elles
-mêmes recomposées, reconsidérées, graphes libérés de toute
signification bien
que telle ou telle fût encore parfois disponible au curieux. Ces deux
œuvres
datant de 1998. Mais dès ces deux premières créations, s’est fait jour
le désir
de mettre en verre et lumière l’édifice entier. Voilà qui est fait
aujourd’hui,
avec ces sept nouvelles verrières, confiées au même artisan, Cathy Van
Hollebeke, dont la compréhension, l’enthousiasme et l’application
tenace (il
lui a fallu concevoir, pour respecter au mieux ce que les œuvres
originales
étaient, une manière nouvelle pour elle) ont su produire un ensemble
convaincant. Cinq de ces nouvelles réalisations à partir d’épluchures
de 1997
et 98, pour rester fidèle au choix fait pour les premières. Deux à
partir de
dessins au stylobille de 1997, dont un sur un morceau du journal Ouest
-France
(qui peut nous rappeler qu’un temps, dans les années après-guerre,
Gaston
travailla à Paris comme correcteur).
La
cohérence de l’ensemble se veut significative et symbolique, elle est
aussi
temporelle. Ainsi ce qui échappe au temps, l’œuvre s’inscrit-il dans le
temps
résolument : les années 1997 -1999, celles du regain d’intérêt de notre
ami
pour le vitrail, et de la réalisation de cette œuvre maîtresse qu’est
son grand
christ/écorché qui fut exposé dans notre église une première fois en
1999,une
seconde le jour de son inhumation en 2001.
Ici, au
rythme de la lumière, se joue la métamorphose du trivial (l’écriture du
quotidien le plus prosaïque, ou le dessin distrait sur un support de
hasard),
par l’art et le grandissement, en vitrail, lieu plus qu’objet où
s’abouchent le
dedans et le dehors, le clos et l’ouvert, l’humble humain et ce qu’il
peut
modeler qui le dépasse, présence du lumineux divin pour le croyant,
évidence du
sacré pour qui ne sait, ne peut ou ne veut croire. Expérience du
spirituel dans
l’art, pour reprendre librement l’expression de Vassily Kandinsky ?
J-F. H.
*****
Les derniers mots de
l’opuscule accompagnant laréalisation
du deuxième vitrail étaient : « Essayer d’être le plus silencieux
possible pour
que cela puisse se révéler ». Comme il m’a été demandé de commenter
cette belle
suite d’aventure, quelques mots pourtant. Que l’intention dans la
mise-en-œuvre
soit aussi éclairée.
Je me suis d’abord
efforcée de contourner les redites en
explorant plus avant ma proposition première. Par-delà les verres
collés sur la
sérigraphie. Ainsi, ici, les œuvres de Gaston présentent des
froissements, des déchirures,
parfois des coupes franches, comment les traduire en verres ?
Mais encore, les
changements d’échelle voulus par
Jean-François Hémery demandent d’approfondir l’évocation des détails.
Ainsi
certains verres ont été gravés, creusés dans leur matière, d’autres ont
été
grugés en dentelles, verres blancs doublant un grand aplat noir pour
évoquer l’épaisseur
du papier qui se délite à la déchirure et laisse apparaître son cœur de
blancheur. Le plomb scinde une des baies en deux dans sa hauteur afin
de
signifier une coupe franche. Pour autant l’unité me semblait à
préserver aussi
comme cap. Et il a été tenu m’est-il apparu, lors de la pose mais aussi
lors des
retours des regardeurs. Parmi eux, Jean-Marie, maire de Saint-Rigomer
qui a su
évoquer avec tant de talent la diversité de chaque baie comme des
étapes en notre
cheminement intérieur qui, lui, est unicité. Unité de l’œuvre
protéiforme de
Gaston. Unité de ses Amis, qui ont tenu à lui offrir une diversité de
baies en
un lieu unique. Gaston, lui avait évoqué la réalisation d’un unique
vitrail.
Eux ont déployé en autant d’ouvertures sur le monde l’amitié qu'ils lui
portent. Unité de la lumière qui baigne le bâti du 12ème
siècle et
cette réalisation contemporaine, s’y plonger en essayant d’être le plus
silencieux possible pour qu’elle puisse, je le souhaite, se révéler.
Cathy van Hollebeke, maîtresse-verrière
Pour l'inauguration des sept vitraux, un brillant trio nous avait fait l'honneur de sa présence: le Triumviret, composé d'Oscar à la trompette, Adèle au violoncelle et leur père Jean-Philippe Viret (1) à la contrebasse. Celui-ci joue de son côté depuis vingt ans avec son trio, une famille, musicale cette fois, connue et reconnue parmi les grands dans le monde du jazz. Adèle et Oscar, musiciens professionnels eux aussi, jouaient là pour la première fois en public avec leur père.
(1) Jean-Philippe est le frère de Patrick,
notre ami
cinéaste qui a réalisé autour de Gaston Floquet un film intitulé Allez
prier
ailleurs !, qu'on peut se procurer en DVD auprès de l'association, et
un film
plus court sur le vernissage de l'exposition Gaston Floquet, matières
sensibles
à Verdun en juin 2019.