Petite histoire d'une grande donation

 


Préface de Madame PESSEY, conservateur, au catalogue de l'exposition organisée à l'occasion de la donation Floquet au musée d'Alençon

 

       Il est rare d'avoir le bonheur de publier un catalogue d'expositions temporaires correspondant à un catalogue de collections permanentes. Cette opportunité nous est pourtant donnée grâce à Gaston FLOQUET. En effet, l'artiste a proposé en donation au musée des Beaux-Arts et de la Dentelle d'Alençon cent-soixante-six de ses créations qui vont toutes être présentées à l'occasion de cette exposition.

        C'est avec émotion que le musée de la Communauté Urbaine d'Alençon rend aujourd'hui un hommage justement mérité à un artiste peu ordinaire. Installé depuis 1972 à proximité d'Alençon, Gaston FLOQUET travaille en solitaire, connu par un petit cercle d'initiés. Si ses créations débordent d'humour, parfois de provocation, paradoxalement, l'homme est plutôt réservé.

        Créateur infatigable, Gaston FLOQUET accumule ses œuvres et les expose avec parcimonie. Toujours datées, soigneusement rangées, il les classe depuis quelques années de façon méthodique grâce à son complice Toni VAN DEN BERG. Voici quelque temps, Gaston FLOQUET arrive à un constat impressionnant : huit mille œuvres (environ, peut-être plus !) occupent sa demeure, ou plutôt envahissent son univers quotidien : de la chambre " d'amis " à l'atelier et de la grange aménagée en passant par la " laiterie " et par le jardin.

        A l'initiative de Monique AUDUREAU, présidente de l'association des Amis de Gaston Floquet - créée en 1993 à l'instigation de Claude LEROY - des contacts sont pris avec le musée des Beaux-Arts et de la Dentelle d'Alençon. C'est l'institution la plus proche sans doute, mais c'est aussi une programmation d'expositions ouverte à des artistes peu conformistes, dits " hors normes " tels BOIX-VIVES, CHAISSACE ou MACRÉAU. Loin d'être un musée pionnier en la matière, cette facette peut être rassurante pour Gaston FLOQUET dont la démarche est considérée comme atypique.

        D'autre part, le souci concernant l'avenir de son atelier est d'autant plus légitime que sa santé se fragilise. De nombreuses rencontres permettent petit à petit d'imaginer une destination à des créations originales et variées. Gaston FLOQUET s'intéresse à tous les supports, à toutes les matières, à toutes les représentations , qu'elles soient graphiques, picturales ou plastiques.

        Depuis 1956, il s'exprime avec irrégularité, certaines années sont fécondes, comme 1971… ou au contraire improductives, et voient Gaston FLOQUET faire des pauses. Malgré les difficultés de sélection, nous nous mettons d'accord sur le principe d'u choix d'œuvres représentatives de sa création, puisque Gaston FLOQUET envisageait très vite de céder son œuvre au musée. Il ne s'agissait pas de fonder un musée Gaston FLOQUET - pourquoi pas ? - mais d'avoir la possibilité d'illustrer son cheminement artistique à travers un choix de créations déterminantes, de 1952, date de son premier dessin au stylo bille à décembre 1999, période de ses récentes peintures-glycéro.

        Quel supplice pour un artiste de devoir retenir " l'essentiel " à travers des milliers d'œuvres ! Pire, de regarder derrière soi, et d'engager une démarche proche de ce qu'on pourrait nommer un " bilan d'activité " ? Pourtant, Gaston FLOQUET et son complice Toni Van den Berg se plongent courageusement dans cette opération délicate. Plusieurs mois sont nécessaires, de nombreuses conversations, toujours chaleureuses, vont scander une impitoyable sélection, pourtant clairement admise par Gaston FLOQUET et par ses amis.

        Un jour nous nous sommes trouvés face à cent-vingt-trois œuvres picturales et graphiques et quarante-trois sculptures… Gaston FLOQUET, satisfait, décidait alors de les donner au musée, et d'engager toutes les démarches nécessaires pour que la signature de la donation se déroule un certain mercredi de décembre, plus précisément le 22 décembre 1999. Cet hommage est le fruit de cette épreuve infligée à Gaston FLOQUET, aujourd'hui commissaire de son exposition.

        Alors, d'un seul élan, Ambroise Monod, artiste-théoricien du Récup'Art et les Amis de Gaston Floquet se sont associés pour exprimer l'intérêt et l'amitié qu'ils portent au créateur et à ses œuvres : qu'ils trouvent ici l'expression de notre vive reconnaissance pour leur contribution spontanée à cet hommage.

        Quant à l'artiste, il est aujourd'hui donateur reconnu par le petit conseil des musées de France, son nom est dorénavant imprescriptible et inaliénable, associé à sa production, et accolé à des numéros d'inventaire, dénouement attendu, mais il ne saurait manquer d'attiser encore l'inspiration de l'artiste.

        Bravo et deux mille mercis, Monsieur Floquet !

 

Aude PESSEY-LUX
Conservateur du musée des Beaux-Arts et de la Dentelle d'Alençon